Depuis le 18 mai dernier, le Sénat examine le projet de loi de modernisation agricole, la désormais fameuse LMA. Présenté comme le texte clé du quinquennat sarkozien pour le secteur, il promeut la contractualisation des relations commerciales entre agriculteurs et industriels. Si le texte est adopté, le contrat écrit deviendrait alors la base des relations commerciales entre producteurs et acheteurs. Objectif ? Permettre à l’agriculteur de connaître, à l’avance, les volumes de livraison, le prix auquel sa production sera achetée et donc de pouvoir mieux anticiper d’éventuels retournements de marché.
Cette mesure présente un avantage énorme puisqu’elle offre aux agriculteurs de la visibilité sur la durée, sur les prix et sur les volumes. Or ces éléments sont justement indispensables pour pouvoir investir sereinement. Je comprends parfaitement les positions de certains acteurs qui se montrent réticents au regard de ce changement. Des agriculteurs d’une part, qui redoutent une certaine forme d’intégration ; et les distributeurs, d’autre part, pour qui la perspective de perdre leur capacité à acheter leurs matières première au plus bas prix ne les réjouit pas forcément.
Accepter de lâcher des bénéfices ou privilèges sur le court terme est pourtant un mal nécessaire pour que tout le monde soit finalement gagnant sur le long terme. La contractualisation apparaît comme un bon compromis, dans un contexte de dérégulation, pour la sécurisation des deux parties. En revanche, cet appui à la mesure ne doit pas être naïf. Il est évident qu’un tel mécanisme ne fonctionnera que s’il tient compte des particularismes des filières. Ce qui est vrai pour les fruits et légumes ne l’est pas pour les porcs, par exemple. À nous de prendre à bras le corps ce problème avant d’en avoir l’obligation par la force publique.
Par ailleurs, aussi bénéfique que peut devenir cette mesure, il serait erroné de penser qu’elle constitue le remède à tous les maux. D’abord, dans un monde dérégulé, ouvert à la concurrence, cette mesure fortement réglementaire pourrait pousser certains acheteurs à se tourner vers des pays moins encadrés, entamant ainsi encore un peu plus le potentiel de notre agriculture… Ensuite, elle ne doit pas nous dispenser de contribuer à la constitution d’une politique agricole commune forte. Elle seule peut nous permettre de maintenir une agriculture européenne compétitive. La LMA ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Sans une PAC puissante, la LMA ne sera rien d’autre qu’un coup d’épée dans l’eau.
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