Christian PEES

Agriculture: n’opposons pas la qualité et la quantité

Difficile cette semaine d’échapper au salon de l’agriculture. Durant neuf jours, consommateurs,  hommes et femmes politiques, journalistes, acteurs économiques, visitent cette vitrine de l’agriculture. Evidemment, je m’en réjouis car il est toujours important d’expliquer nos metiers et nos savoir-faire. J’ai tout de même un regret. Je ne me reconnais pas complètement dans l’image parfois d’Epinal qui est présentée lors de ce salon. A longueur de reportages, on laisse à penser que l’avenir de l’agriculture passe par le circuit court, la vente à la ferme, la production biologique. C’est en effet une solution mais ce n’est pas “La SOLUTION”.

Chez Euralis, coopérative que je preside nous travaillons avec plus de 300 producteurs locaux et nous avons développé des circuits courts dans une vingtaine de magasins Point Vert du Sud Ouest. Nous produisons du foie gras IGP, nos volailles sont labellisées et nous avons plusieurs centaine d’agriculteurs Bio qui sont coopérateurs. Je crois donc à ces filières mais elles ont un coût et il est malheureusement illusoire de penser que tous les consommateurs pourront acheter ces produits. N’opposons pas la Qualité et la Quantité.

Il est donc du devoir de l’agriculture Française d’assurer une production alimentaire de haut niveau de qualité et en quantité suffisante pour subvenir aux besoins de la population mondiale. Pour relever ce défi, nous devons disposer d’agriculteurs qui vivent de leur metier et qui voient leur production justement rémunérée en privilégiant une agriculture durable. Il est nécessaire que les industries agroalimentaire qui contrairement à ce que certains veulent nous faire croire transforment des produits de qualités dont les performances de productions ne cessent de progresser. La course aux prix extrêmement bas est à court terme désastreuse. Fabriquer du « low cost » ne nous offrira pas plus de parts de marché. Nous n’avons aucun intérêt à baisser le niveau de qualité de nos productions puisque c’est ce qui donne la réputation de l’agriculture Française.

Cette exigence de qualité est un droit, garantir la quantité est un devoir pour nous.

Agroalimentaire : Ce que nous apprend la crise bretonne

Le modèle agroalimentaire Breton vit il ces dernières heures, je ne le crois pas et je ne l’espère pas. Que se passe t-il en Bretagne ? Depuis 2 ans, la production de cochons est en diminution, du coup sans élevage point d’abattage, d’où la fermeture d’abattoirs. Le cochon Breton subit la concurrence de l’Allemagne et son dumping social. La volaille subit les importations du Brésil. Pour ceux qui en doutaient, l’agriculture et l’agroalimentaire peuvent être délocalisés et avec eux les emplois.

Cette grave crise va t-elle permettre de prendre en compte l’importance de ce secteur d’activité ?.

Sans élevage point d’activité d’alimentation animale, d’abattage et de transformation. Comment en est-on arrivé là. Le milieu agricole n’a surement pas assez écouté les arguments de la société soucieuse de l’environnement. Des erreurs ont été commises mais de nombreux efforts ont aussi été réalisés. Au fil des années, sous les contraintes administratives, nous avons perdu de la compétitivité. Est il normal que le dossier d’installation d’un élevage de porcs prenne de 2 à 4 ans en France contre 6 mois en Europe. En moyenne un élevage de porc français compte 200 truies contre 750 au Danemark. Comment voulez vous être compétitifs ?

Pourquoi s’interdire de produire ?

La France est elle condamnée à ne faire que de l’agroalimentaire de niches et de petits marchés pour plaire aux attentes d’une certaine partie de la société ? Pourquoi opposer une agriculture qui miserait sur la diversité et une agriculture qui irait à la conquête de marchés de masse ? Pourquoi devrions nous laisser la place à d’autres pays et à leurs importations ? Il y a de la place pour les 2 si l’on veut conserver des emplois et une autonomie dans notre production alimentaire.  En Bretagne nous connaissons les prémices de ce qui pourraient être une crise majeure. Moins de productions, plus de réglementations et d’interdictions, moins de compétitivité, comment être compétitif avec des taxes qui se rajoutent comme l’écotaxe, enfin un dénigrement systématique d’une activité qui marche et qui peut se développer. Ne rêvons pas les filières courtes ne nourriront pas la planète et nous aurons besoin d’une agriculture de masse. Ne nous excluons pas de ces marchés pour des raisons idéologiques. Cherchons des solutions pour valoriser ce qui est pour l’instant des déchets, modernisons nos outils de productions et d’élevage, construisons des filières avec de la vraie valeur ajoutée. Au lieu d’investir des millions à pertes réfléchissons à un vrai plan de relance de l’agroalimentaire. Sinon la casse de ce secteur d’activité plein de promesse ne fait que commencer. 

Le progrès doit il être banni de l’agriculture ?

 Une nouvelle fois le débat sur l’utilité des OGM a été tronqué. Pourtant, cet été, le Conseil d’Etat a estimé que l’arrêté prit par le gouvernement Fillon suspendant la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810 n’avait pas lieu d’être. En résumé la France n’a avancé aucune donnée scientifique fiable démontrant le risque du MON 810. Cette décision et ses motivations auraient pu relancer une réflexion sur la pertinence du rejet des OGM en Europe. Las, le gouvernement Ayrault a annoncé qu’il reprendrait un arrêté suspendant la mise en culture.

 +10 % d’OGM chaque année dans le monde

Pourtant dans le monde, les superficies OGM augmentent de 10 % chaque année, les plus gros concurrents agricoles de l’Europe (USA, Brésil, Chine) investissent dans les OGM et dans la recherche. Le Brésil est un cas intéressant. C’est Lula figure du parti des travailleurs qui a autorisé les OGM , contre l’opinion publique brésilienne, estimant que c’était un moyen de faire décoller l’agriculture brésilienne. D’autres pays émergents ont d’ailleurs fait le même choix. 

La France mise sur un modèle plus économe en intrants, en énergie, tout en assurant la compétitivité des exploitations : l’agroécologie. C’est en soi une bonne idée mais n’oublions pas que ces quinze dernières années l’agriculture française s’est adaptée, a fait d’énormes efforts, produit plus proprement, utilise mieux les produits phytosanitaires.

N’opposons pas le concept d’Agroécologie aux progrès génétiques et à la chimie. Donnons à l’agriculture Française les moyens de pouvoir produire mieux, au juste prix pour le consommateur et l’agriculteur. Dans un contexte de concurrence mondiale n’enlevons pas aux agriculteurs les outils qui leurs permettront de rester compétitifs. 

Sinon à terme nous serons dépendants d’autres pays pour notre alimentation. Là encore quand je tiens ce discours j’entends les reproches. Mais si l’on fait un parallèle avec la médecine. On ne va pas opposer l’homéopathie avec l’allopathie. La première peut être très efficace pour certaines maladies, la seconde nécessaire pour soigner des maux plus graves. Ce doit être pareil pour l’agriculture.

Pourquoi l’agriculture ne devrait pas bénéficier de l’innovation, comme c’est le cas dans tous les autres domaines ? Au lieu de freiner l’innovation dans l’agriculture encourageons là, développons là, trouvons des solutions techniques pour vaincre les défis qui s’annoncent et maintenir en Europe une agriculture de qualité et compétitive. 

Tribune Momagri: Sept moyens d'améliorer la régulation des marchés

Régulièrement sur ce blog je vous ferai part de lecture d’articles qui me paraissent intéressants, pertinents.

Celui qui suit est écrit par Steve Suppan analyste à l’Institut pour l'agriculture et la politique commerciale américaine. Son travail consiste a expliquer le rôle de l’agriculture américaine, le commerce et la politique de sécurité alimentaire à des gouvernements étrangers et à des organisations non gouvenementales.

Dans cet article publié par le Momagri (le mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture) il développe sept nouvelles façons de réguler les marchés des produits agricoles, spécifiquement destinées aux régulateurs

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PAC: Une réforme qui ne règle rien

La Politique Agricole Commune pour la période 2014 - 2020 est actée. C’est en soi une bonne chose tant l’absence d’accord aurait surement été catastrophique. Mais à regarder de plus près, cette réforme ne règle pas tout loin s’en faut. Les Etats vont maintenant faire des choix dans un cadre précis,  suivant leurs poids économiques ces choix pourraient entrainer des distorsions de concurrence à l’intérieur même de l’Europe.

 La PAC va connaitre un verdissement  de ces aides, ce n’est pas une mauvaise chose. Il est regrettable en revanche que le lien entre croissance verte productivité et compétitivité des exploitations n’ait pas été associé. La protection de l’environnement n’empêche pas le développement.  

C’est bien le problème de cette réforme, on trouve une boite à outils qui va plus ou moins satisfaire les acteurs agricoles mais derrière il n’y a pas de vrai projet de développement. Comment à la lecture de cet accord peut-on imaginer l’agriculture européenne en 2020 ? Sera-t-elle armée pour lutter contre la concurrence internationale ? Aura-t-elle les outils pour se protéger de la volatilité des prix ? Les agriculteurs pourront ils vivre de leur travail et non de subventions ?. Je n’en suis pas sur.

Pour cette PAC on aurait pu lancer de grands projets comme un plan protéines végétales. On importe l’équivalent de 30 millions d’hectares de soja en Europe notamment pour l’alimentation animale, soit la surface agricole utile de la France. On aurait également  pu mettre en place des mesures efficaces de gestion du marché. Au lieu de cela l’Europe réduit son budget et fait l’inverse de ses partenaires. Les Usa renforcent leur farm bill, la Chine muscle son agriculture, le Brésil augmente de 18 % son budget consacré à l’agriculture.

Le mois de juin sera t-il marqué par un accord sur la réforme de la politique agricole commune ?

Sans accord lors du sommet des Chefs d’Etat fin juin, je crains que l’incertitude politique et économique fragilise encore plus l’agriculture européenne.  

Des élections vont avoir lieu en Allemagne et en Italie en 2013. Nous devrons élire un nouveau parlement européen en 2014. Autant dire qu’aucune décision ne sera prise à l’échelle européenne avant 2015. C'est pour cela que je souhaite que l'on trouve un bon accord.

Il y a urgence .  Nos principaux partenaires commerciaux, la Chine, les Usa, la Russie et le Brésil ont des objectifs stratégiques clairs pour leur secteur agricole et agroalimentaire. Le marché mondial est en pleine expansion et présente de nombreuses opportunités. Mais pour tirer avantage de cette situation, nous avons besoin d’une vision claire de l’avenir du secteur agroalimentaire européen. Nous devons utiliser cette réforme de la pac pour renforcer le poids économique des agriculteurs.  Ne plus dépendre uniquement des aides directes, mais soutenir la position des agriculteurs au sein de la chaine alimentaire. Il n’est pas normal que les agriculteurs soient si peu rémunérés par rapport au produit fini.

Pour cela,  il faut permettre aux coopératives d’avoir une position forte sur le marché mondial en encourageant leur expansion et en favorisant leur création. Malheureusement, ce qui est proposé dans cette réforme manque d’ambition. Nous n’aurons pas assez d’outil pour réguler le marché et éviter ainsi que l’agriculture subisse en permanence la volatilité des prix. Nos partenaires commerciaux  ont mis en place ces outils.  Il ne reste plus que 15 jours aux négociateurs pour obtenir un accord. Je crains que le marchandage et le saupoudrage pour aboutir à un accord ne prenne le pas sur une vraie ambition européenne.  

"Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose"

Depuis le 2 mai 2013, je suis en colère. En colère devant les pratiques de certains médias. Ce jeudi 2 mai, un journaliste souhaite faire un reportage sur une plainte que cinq anciens éleveurs ont déposé contre Euralis en Avril 2012.

Nous sommes sollicités, nous répondons à ses questions par un communiqué complet.

La base du journalisme est de vérifier une information. Pour faire un point sur une plainte, on doit se renseigner me semble t-il auprès du  Procureur de la République qui supervise l’enquête. Visiblement je me suis trompé.

Pas de renseignement pris, les gros titres des médias de Radio France ont pour « une » le nouveau scandale alimentaire. Après la viande de cheval, le foie gras. L’emballement est enclenché, de nombreux sites d’informations de médias très sérieux, reprennent l’information, ne contactent pas le Procureur de la République ou Euralis pour une vérification.

Le lendemain matin, sept chaines de télévision  sont présentes à notre siège social, ils tiennent une nouvelle affaire. Dans la matinée, Euralis reçoit vingt appels de médias. Entre temps, un journaliste a fait son métier, il a vérifié l’information et appelé le Procureur. Il a appris que la plainte avait été classée. La justice après un an d’enquête n’avait rien à reprocher à Euralis. 

Tout d’un coup, il n’y avait plus de sujet. Que ce serait-il passé si l’enquête suivait son cours ? Ce sujet aurait-il été traité de façon objective, équilibré ?

Je ne le crois malheureusement pas. Il est inquiétant de voir des médias accorder beaucoup plus de crédit à cinq anciens éleveurs qu’à une coopérative de 12 000 agriculteurs et 5 000 salariés. Je ne doute pas un instant que notre parole aurait été mise en doute, sujette à caution. Il n’y a qu’à lire certains articles après cette affaire. C’est grave et inquiétant.

Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose