Christian PEES

Europe : La grande braderie budgétaire

Sans surprise, les chefs d'état européens n'ont pas trouvé d'accord pour le futur budget de l'union européenne. Pendant 2 jours, on a assisté à une grande braderie. Chacun y va de son souhait de voir ce budget diminuer.

En période de crise, il faut montrer que ces Etats font des efforts de bonne gestion.  Au moment de passer à l’action et à la caisse, pour l’Europe, chacun défend son pré carré.

Cette stratégie est-elle la bonne ? Je ne le crois pas. Il faut au contraire plus d’Europe et donner les moyens à cette institution. Le budget de l’union européenne, composée de 27 pays, devrait être de 138 milliards d’euros par an. La France dispose,  elle seule, d’un budget de plus de 350 milliards d’euros.

Quels projets pour l’Europe ?

Saviez-vous que la Chine, le Brésil et les Etats-Unis ont largement augmenté ce que l’on appelle les soutiens globaux agricoles, ces dernières années. L’Europe, elle,s’apprête à réduire son aide à l’agriculture.

Ne faut-il  pas au contraire, regarder, analyser cette fameuse PAC ?. Elle a permis à l’Europe de nourrir ses peuples, de développer une agriculture et une industrie agroalimentaire performante. La PAC doit s’inscrire au contraire dans la durée et rester comme un élément de vision stratégique d’une politique forte de l’Europe.

 Fort de cet exemple, ne peut-on pas envisager une politique commune en matière de recherche et développement, créer une deuxième révolution industrielle privilégiant les énergies propres ? N’est ce pas là une solution pour sortir de la crise et relancer l’économie ?

 

 

Agroalimentaire : Sommes-nous encore compétitifs ?

Un ministre qui poserait  en une d’un quotidien en train de manger un bon plat de l’industrie agroalimentaire. Idée saugrenue diront certains en ces temps ou il est de bon ton de dénigrer l' alimentation d'origine industrielle. Et pourtant n’est ce pas la un bon moteur de la compétitivité ?
Cette industrie apporte chaque année au commerce extérieur, plus de 40 milliards d’euros. Mais ne nous y trompons pas, nous perdons de notre influence. En 2004 la France était le 1er exportateur mondial de produits agroalimentaires. 8 ans plus tard, nous sommes 4ème  derrière l’Allemagne. Les exportations allemandes ont doublé durant cette période.

Y a-t-il un miracle allemand ?

 Outre Rhin, dans le secteur du lait ou de la viande, le cout du travail est 3 fois inférieur à la France.  Du coup les entreprises sont plus compétitives.
La France, pays de la gastronomie ne manque pourtant pas d’atouts. En terme d’images, bien sur, mais en terme  de gout, d’innovation, de respect des normes sanitaires. Mais encore faut-il y croire. Le faire savoir. Au lieu de dénigrer cette industrie, les médias, l’opinion publique devraient plus la soutenir.
Il faut  un véritable ambassadeur de la gastronomie. Arrêtons d’opposer l’industriel au plat de grand-mère. Ils ont chacun leur légitimité,  leur qualité. Aidons au contraire les entreprises à exporter, à se fédérer,  et ainsi gagner de nouveaux marchés. Organisons une stratégie à l’international. Ce sera bénéfique pour l’économie française.

OGM: Quelle place pour l'expertise ?

 Des photos chocs, un livre, un film, des conférences, l’étude sur un OGM par Gilles-Eric Séralini a marqué l’opinion publique. Très vite les conclusions, la méthode de ce farouche opposant aux Ogm ont été massivement dénoncé par les scientifiques de plusieurs organismes publics. Malgré cela, le ministre de l’agriculture a estimé qu’il fallait revoir tout le protocole de mise sur le marché des OGM.

Les études d’impact et de toxicité ne seraient pas assez pertinentes

J’avoue que je suis perplexe. Ce travail existe. Une revue anglaise, la Food and chemical toxicology a recensé 24 études d’impact de plusieurs OGM menées sur du long terme. Elles ont été majoritairement financé par des structures publiques, et n’ont rien révélé d’anormal.
Pourquoi remettre en cause ce travail déjà réalisé ?. Pourquoi serait il forcément favorable au lobby OGM ?. Faut-il faire un coup de com pour être plus crédible ?.

le politique doit décider

Dans ce dossier le politique a décidé qu’il était urgent d’attendre. En opposition totale avec l’Europe, la France a trouvé un système pratique de se protéger : le moratoire. Le politique aimerait bien qu’on lui amène une étude qui lui dirait à 100 %, que l’OGM n’est pas ou est toxique. Le scientifique ne pourra jamais l’affirmer. 

 

L’eau, le vrai débat

Le 24 mai dernier, dans le cadre de la 12ème édition de la Green Week* à Bruxelles, j’ai été invité à participer à un débat, animé et riche, sur la gestion de l’eau.

L’agriculture, dans le cadre de ces débats, est toujours plus ou moins mise sur le banc des accusés. Les chiffres, semble-t-il, nous accablent : plus de 70% de l’eau douce disponible est « égoïstement » utilisée par les agriculteurs.

Autour de la table et dans l’assemblée, pour limiter cette consommation, deux approches différentes ont émergé : la taxation financière et la mise en place d’un marché de l’eau. Si ces deux types de solutions méritent toute notre attention, il m’a semblé indispensable de recadrer certains éléments du débat.

Premièrement, il faut avoir conscience que l’eau utilisée par les agriculteurs bénéficie avant tout aux consommateurs. Sans eau, pas d’alimentation. Dans ce schéma, les agriculteurs ne sont que des passeurs de plats. La plus grande majorité ne tire aucun bénéfice direct d’une utilisation massive de l’eau.

Deuxièmement, l’eau a un coût et pour cette raison, l’agriculteur cherche de lui-même à en optimiser son utilisation. Le taxer ne le rendrait pas plus vertueux. En revanche, augmenter le prix de l’eau reviendrait mécaniquement à augmenter le prix de l’alimentation. Par ailleurs, rendre l’eau plus chère signifierait pour beaucoup de productions « arrêt de la production », c’est-à-dire délocalisation, perte d’emplois, destruction de richesses, etc.

En réalité, le vrai problème de l’eau n’est pas celui de sa quantité – qui est constante sur la planète – mais celui de la détérioration de sa qualité et de sa répartition. Concomitant à ce problème, demeure la question du stockage de l’eau. Chaque année, seul 1% de la pluie qui tombe sur notre territoire est stockée.

Qu’il faille lutter contre la fraude et le pompage sauvage est une évidence. Qu’il faille optimiser notre gestion de l’eau et lutter contre sa pollution est incontournable. L’ensemble du monde agricole a conscience de ces défis. L’eau est un bien indispensable à la production du vivant et donc à la sécurisation de l’approvisionnement alimentaire.

Taxer son utilisation reviendrait à mettre à mal ces impératifs. Développer des politiques de soutien à l’innovation et de stockage appropriées : voilà prioritairement les questions qui devraient être au cœur des débats lorsqu’on parle d’eau. * http://www.greenweek-2012.eu/

Les OGM, une option parmi d’autres

Et revoilà le débat sur les OGM. Chez Euralis, notre position est parfaitement claire : oui aux biotechnologies, oui aux recherches mais en raison de l’absence d’un cadre juridique clair et des fortes réticences françaises sur le sujet, nous ne distribuerons pas de maïs OGM ce printemps et nous n’encouragerons pas nos agriculteurs à en produire.

Ceci étant dit, je reste indigné par l’attitude française, extrêmement politique et absolument pas scientifique. On voit poindre des OGM intéressants pour les économies d’eau, l’augmentation des rendements et c’est scandaleux de passer complètement à côté. Il est totalement légitime de promouvoir des agricultures différentes mais plutôt que de chercher des solutions à une cohabitation intelligente, on ne fait que crisper le débat en n’expliquant pas à nos concitoyens les réels enjeux et les réels avantages des OGM.

Cette attitude est également schizophrène. Les Français sont prompts à dénoncer le monopole de quelques entreprises mais en refusant d’investir la recherche, nous leur cédons bien volontairement la place. De même, si nous n’explorons plus le sujet, nous ne serons plus dans la capacité de pointer du doigt des dangers éventuels. Nous sommes en train d’être pris à notre propre piège.

Les insuffisances de la nouvelle PAC

Dans un contexte difficile, Dacian Ciolos, commissaire européen à l’agriculture, livre un projet de PAC plein de bonnes intentions, qui prend en compte la diversité de l’agriculture de l’Union européenne et les attentes de nos concitoyens. Toutefois, on doit regretter que cette réforme manque d’ambition. En effet, elle ne permet que, très partiellement, de relever le double défi de la compétitivité et de la régulation.

Le verdissement des pratiques agricoles est présenté comme incontournable pour justifier les aides directes auprès de nos citoyens européens. Certes, il faut avancer clairement sur la durabilité des pratiques mais conditionner à cela 30% des aides — les pénalités pourront même aller au-delà ! — est insupportable. Geler 7% des surfaces agricoles sans tenir compte des prairies permanentes ni des forêts est, au mieux, une hérésie ; au pire, criminel, quand on est conscient des enjeux alimentaires de notre planète.

Aujourd’hui, les agriculteurs européens sont confrontés à une concurrence accrue, dans un contexte de volatilité des prix extrêmement difficile à gérer pour l’ensemble des filières. Cette situation n’ira que crescendo : l’offre de produits agricoles, confrontée aux aléas climatiques et aux viroses, sera de plus en plus aléatoire face à une demande alimentaire et énergétique qui croissent, pour leur part, de façon régulière. Or, que nous propose-t-on ? Une PAC articulée autour de l’aide directe aux agriculteurs, qui ne traite que marginalement le cœur du problème que constitue la régulation des marchés.

En définitive, ce projet est déséquilibré. Il offre des réponses (partielles ?) à tout le monde, ce qui constitue sa qualité… mais aussi son défaut.

La Chine, après l’éveil

La Chine est au chevet de l’Europe. Son président Hu Jintao assure ses homologues européens de son soutien, avec une toute petite condition : celle d’être reconnue comme une “économie de marché”, facilitant ainsi l’entrée des produits chinois sur le vieux continent et ailleurs.
Cette toute puissance de la Chine est indéniable. Le pays se développe à la vitesse de l’éclair, son économie affiche une croissance insolente, les immeubles poussent comme des champignons et les villes sont en perpétuelle expansion.

Mais n’est-ce pas un géant aux pieds d’argile ? La problématique environnementale est lancinante avec une pollution très marquée de l’air et de l’eau. Les Chinois en ont quand même pris conscience en y accordant un budget de 90 milliards d’euros. L’Empire du Milieu souffre également d’un problème de place et construit à la verticale. Des métropoles devraient compter 50 millions d’habitants d’ici peu de temps, posant des problématiques encore inconnues.

Pour l’instant, le moteur qui permet de sceller un peu tous les éléments est le pouvoir d’achat en constante progression. Mais pour combien de temps ? La Chine fournit le monde entier en vêtements, en appareils électroniques et bien d’autres choses… Mais ce monde est en train de se détraquer, en particulier le monde occidental jadis riche. Les bourses paniquent, certains États sont au bord de la faillite. Est-ce que nous allons pouvoir continuer à leur acheter ce qu’ils produisent ? Devront-ils se retourner uniquement, ou presque, vers leur propre marché de consommation ? Les semaines à venir en diront long sur la capacité de l’Europe à rebondir et sur celle de la Chine à assumer son presque statut de nouvelle puissance mondiale.

Retour sur… le G20 Agricole

Pour la première fois, les grandes puissances économiques mondiales se sont penchées sur la régulation des matières premières. Une démarche importante à saluer.

En revanche, les résultats sont plutôt timorés en raison des égoïsmes nationaux. Par exemple, le problème des stocks, qui influe largement sur les valeurs des marchés, n’est pas résolu à cause des réticences chinoises et indiennes. Un accord seulement a minima a été accepté concernant une photographie transparente des stocks. Ainsi, seuls des stocks d’urgence sont pour l’instant prévus en cas de crise et non pas des stocks stratégiques.

Un petit pas certes mais qui ne permettra pas de prévenir d’autres grandes crises alimentaires comme nous en avons connu en 2008 et qui pourraient se reproduire si les prix continuent de flamber. Tant que les intérêts nationaux transcenderont l’intérêt planétaire, il sera difficile de concrétiser des mesures ambitieuses. Pour paraphraser Georges Clémenceau, la régulation des matières premières est peut-être une chose trop sérieuse pour la confier à des politiques et à leurs experts.

La proposition du Dakar Agricole de créer une Organisation Mondiale de l’Agriculture (l’OMA) pourrait permettre d’éviter cet écueil. Si la prise de conscience de la nécessité de réguler les marchés agricoles est bien réelle, le comment est beaucoup plus difficile. Il est donc peut-être grand temps de désigner un arbitre qui se placerait au-dessus de la mêlée. 

Leur mépris quotidien

C’est reparti pour un tour. Livres, documentaires, Unes des magazines… les agriculteurs sont à nouveau dans la ligne de mire médiatique. À croire que les journalistes et écrivains se donnent rendez-vous périodiquement pour taper au même moment sur les paysans.

Cette cabale est proprement scandaleuse. Les Marie-Monique Robin, Isabelle Saporta et autres compères nous décrivent comme des assassins suffisamment bêtes pour être manipulés par nos coopératives et autres organismes et n’avoir aucun sens critique. Ils sous-entendent également que les agriculteurs n’ont pas à cœur le bien-être des populations dont ils assurent l’alimentation. Nous serions également avides d’épandre à l’envi toutes les saletés possibles et imaginables.

Ce procès appelle à rétablir certains faits. D’abord, une plante peut être malade et sans soin, donc sans pesticides, elle peut mourir. C’est comme si l’être humain devait se passer de tout médicament. Même l’agriculture biologique recourt aux pesticides. Certes ils sont bio mais ils restent des pesticides. Leurs utilisateurs cherchent d’ailleurs à en obtenir l’homologation. 

Par ailleurs, il est certain que nous devons modifier notre alimentation. Nous avons sans doute mangé trop gras, trop salé au cours des dernières décennies mais les industries agroalimentaires sont en train de corriger le tir. Idem pour les agriculteurs. À une époque, nous avons trop simplifié nos pratiques en nous appuyant sur un emploi massif de la chimie. Aujourd’hui nous faisons marche arrière. Il faut laisser aux agriculteurs une chance de s’adapter.

Ce serait d’ailleurs là le dernier reproche que j’adresserais à nos pourfendeurs. Ils dressent un bilan alarmant à partir de nos pratiques passées. Jamais ils ne parlent de nos efforts et des initiatives que nous entreprenons. Quid du plan Écophyto 2018 dans le cadre duquel nous tentons de réduire de 50% l’usage de nos produits de traitement ? Quid des exploitations qui s’engagent dans le développement durable comme en témoigne la remise des trophées de l’agriculture durable le 16 mars dernier ? Pour avancer, rien ne sert de condamner ; mieux vaut proposer et corriger.

Une carte alimentaire à jouer

Le bassin méditerranéen tremble. Après la Tunisie, l’Égypte s’est soulevée. La Lybie suit le mouvement, incitant encore d’autres pays à entrer dans la contestation des pouvoirs établis. Ces événements, qui se déroulent à notre porte, doivent nous interpeller.
Ces populations appellent à la liberté, au droit à l’alimentation… et, tout simplement, au droit à partager eux aussi le gâteau des richesses mondiales. Longtemps, par crainte de l’islamisme, les démocraties occidentales ont toléré, voire soutenu, les pouvoirs forts en place. Aujourd’hui, c’est un nouveau jeu qui commence et l’Europe ne doit pas rester sur la touche.

Il est frappant de voir que les Etats-Unis préfèrent ces mouvements à la stabilité et à la pseudo-sécurité proposées par les régimes antérieurs. Barack Obama est d’ailleurs monté plusieurs fois au créneau, n’hésitant pas à compromettre des “amitiés diplomatiques”. Bref, ils jouent la carte du changement, de l’accompagnement. Inversement, l’Europe adopte une attitude très prudente et bouge seulement quand elle est sûre que la région a basculé. Ces différences de vision auront forcément des conséquences sur l’économie mondiale.

Il est de notre devoir d’aider ces pays à assurer la transition et à apporter des réponses à leurs problématiques alimentaires notamment. Si le mouvement leur permet d’accéder à la démocratie, il est indispensable que le relai d’une économie organisée soit pris, sous peine d’un risque de récupération politique par les extrémistes.

La France et l’Europe sont totalement complémentaires de ces pays en matière agricole. Nous devons donc à tout prix les aider, sans pour autant faire preuve de suffisance ni profiter de la situation. Cette transition démocratique peut aussi être positive pour notre économie agricole et agroalimentaire, d’autant qu’ils ont des choses à nous apporter. Ce serait vraiment dramatique, ridicule même, si les Etats-Unis et le Brésil devenaient leurs partenaires privilégiés… alors que nous sommes juste à côté.